Communiqué sur le projet de réforme du CAPES (11/12/19)

Par Louis-Patrick Bergot, le 19 décembre 2019

Le Bureau de la Société de Langues et Littératures Médiévales d’Oc et d’Oïl (SLLMOO) a pris connaissance avec inquiétude et consternation du projet de réforme de l’actuel concours du CAPES.

Préparé dans la précipitation et sans concertation, visant à aligner l’ensemble des CAPES sur une maquette unique et opposant terme à terme disciplinaire et didactique, ce projet présenté sous couvert de professionnalisation aggrave le recul de la dimension disciplinaire du concours tant à l’écrit qu’à l’oral. À une époque où les connaissances et les compétences en langue traversent une grave crise, il appelle les remarques suivantes :

1. Nombre de CAPES sont à l’heure actuelle bivalents, à l’instar du CAPES de Lettres, composé de littérature et de langue française. L’éviction de l’épreuve disciplinaire censée évaluer la langue française en diachronie longue, outre qu’elle serait contraire aux attendus du répertoire national des connaissances, compromettrait le nécessaire redressement de ce niveau de langue dans l’enseignement secondaire, au moment où il convient de remédier, de manière urgente, à l’acquisition des fondamentaux. Tel est d’ailleurs le sens de l’introduction de la grammaire dans les nouveaux programmes de lycée.

2. La maîtrise réelle des savoirs à enseigner, et en l’occurrence de l’histoire de la langue française, est la condition première de toute transmission. Elle suppose un enseignant qui domine ses connaissances grâce à la profondeur historique et à la comparaison avec les autres langues européennes. Elle implique aussi qu’il soit en mesure de porter un regard réflexif sur ses propres pratiques. Le projet d’une épreuve fondée sur la recherche de ressources en ligne, à l’heure où se répandent les fake-news, est à cet égard déplorable car il donne à penser que la maîtrise de la langue relèverait d’un savoir extérieur, caché dans des arcanes numériques, qu’il suffirait de chercher au bon endroit à défaut de le maîtriser soi-même.

3. L’entretien de motivation et d’implication du fonctionnaire à l’oral, outre qu’il est impossible à évaluer scientifiquement, ne saurait remplacer la vérification par un jury des connaissances acquises par un candidat, de ses compétences disciplinaires et de sa capacité à mobiliser cet outil professionnel en faveur de l’enseignement. Il accrédite l’idée que le métier de professeur relèverait d’une activité culturelle comme une autre, voire de l’animation culturelle. Cela ne peut que dévaloriser l’image du professeur de Lettres, dans l’opinion publique, auprès des élèves comme dans la propre estime de soi des futurs enseignants.

Alors que le projet de réforme laissait espérer un véritable tournant vers une formation de qualité, en partenariat étroit avec les universités, qui aurait permis de susciter des vocations et de réhabiliter l’image du professeur de Lettres, le projet actuellement envisagé promet tout l’inverse : une régression des exigences intellectuelles, un mépris de toute réflexivité critique et pour finir une déqualification du métier d’enseignant.

La SLLMOO demande donc que ce projet soit profondément revu et que soit réellement organisée une large concertation, prenant en compte l’expertise des formateurs universitaires au concours du CAPES, et en particulier des médiévistes, spécialistes de l’histoire de la langue française.

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