Communiqué de la SLLMOO sur le projet de réforme du CAPES de lettres modernes

Par Louis-Patrick Bergot, le 10 septembre 2020

8 septembre 2020

Le Bureau de la Société de Langues et de Littératures Médiévales d’Oc et d’Oïl a appris cet été, avec inquiétude et consternation, que le schéma du CAPES de lettres semblait fixé définitivement par le ministère avec une demande de sujets zéro auprès du jury. Or dans ce schéma, si la dissertation est maintenue à l'écrit et semblerait reposer sur une version courte du programme d'agrégation, la seconde épreuve est uniquement de didactique avec une question de grammaire. La partie historique du français, mais aussi la stylistique et l'étude du français moderne seraient ainsi réduites à néant ou à peu de chose. Devant cette situation établie sans tenir compte des démarches et conseils des universitaires spécialistes, la SLLMOO rappelle son attachement à trois principes. 

1. L’enseignement de la langue française. Un tel dispositif a de graves conséquences car il réduit les lettres à un seul champ, la littérature, évaluée dans la première épreuve, et fait disparaître celui de la langue française, qui est pourtant fondamental dans l’enseignement secondaire et qui est pleinement la spécificité du professeur de français. Celui-ci n’est-il pas considéré comme spécialiste du français tant dans ses usages contemporains, dans sa norme que dans son histoire à l’œuvre dans les textes littéraires, dans la syntaxe, la morphologie, le lexique et l’orthographe ? Sa mission est d’ailleurs nettement marquée dans les programmes du collège et dans les récents programmes de grammaire du lycée. Comme le professeur de lettres classiques est spécialiste de littérature et de langues anciennes, le professeur de lettres modernes a une double spécialité, littérature et langue française.

2. La perspective historique. Il n’y a rien de plus inconfortable pour un enseignant que de savoir ses propres connaissances strictement limitées à celles qu’il doit transmettre : cela signifie qu’il ne peut faire face à aucune question de ses élèves, n’est pas en mesure de juger de la pertinence de telle page de manuel, ne peut prendre aucun recul face à son enseignement. Inversement, pouvoir expliquer en des termes simples à un élève de collège pourquoi le sujet d’une phrase assertive est généralement placé avant le verbe, à un élève de lycée pourquoi avait est orthographié avoit dans telle édition de telle œuvre au programme qu’il a trouvée à la bibliothèque font de l’enseignant un véritable passeur : celui qui donne du sens à la langue et qui garantit une pleine maîtrise de ses principes de compréhension. La disparition de la connaissance du français médiéval comme de celui de la Renaissance et de l’époque classique signifie à terme que l’enseignement du français sera réduit à un usage de communication, sans la dimension culturelle, historique et patrimoniale qui a permis sa place mondiale et fondé son renom.

3. La langue comme outil critique et citoyen. Si la connaissance du français en diachronie longue et en synchronie contemporaine donne aux enseignants les compétences nécessaires à la transmission des savoirs fondamentaux, si elle ouvre la voie à une vaste culture et à une meilleure compréhension des textes, littéraires ou non, elle s’inscrit aussi dans la vie de la cité. La maîtrise de la langue, parce qu’elle est tout à la fois la condition de l’échange, de la compréhension mutuelle et de la clarté de la pensée, est le fondement d’une société démocratique : là où le dialogue est impossible, la violence s’impose. C’est aussi la raison pour laquelle il importe qu’elle soit effectivement et correctement évaluée dans le cadre du CAPES, à l’heure où il s’agit de recruter un futur professeur de français et au terme d’un cursus dont la structure et le contenu, année après année, sont largement commandés par les maquettes des concours. Il s’agit là, dans nos filières, d’un effet de système. Faire disparaître une épreuve mène à la disparition ou au grave affaiblissement d’un pan entier de formation.

La Société de Langues et de Littératures Médiévales d’Oc et d’Oïl demande que le schéma actuel soit profondément revu. En vertu de la bivalence de notre discipline, nous demandons que soient affirmées dans la description des épreuves du CAPES la place de l’histoire de la langue française en diachronie longue ainsi que celle de la stylistique, de sorte que l’étude des lettres y soit représentée dans toutes ses dimensions, littéraires et linguistiques.

Pour le Bureau,

Jean-René Valette, président de la SLLMOO

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